Nous laissons derrière nous une année qui restera marquée d’une pierre noire pour les gouvernants comme pour les entreprises, les citoyens et les consommateurs. Alors que l’exercice 2020 se termine dans un contexte de grande fatigue, tous espèrent que l’an prochain redonnera des couleurs à une économie blafarde. Il y a urgence à relancer la machine et les entreprises préparent des plans de bataille pour retrouver le chemin de la croissance. Mais celui-ci ne sera pas la simple prolongation linéaire du monde d’avant…
La communication des marques devra s’adapter à l’imprévisibilité de la crise sanitaire, mais aussi prendre en compte les tendances lourdes qui se sont révélées ou confirmées sur les mois écoulés. Crise, mensonges et vidéo - pour parodier un film à succès - seront trois paramètres critiques à intégrer dans les stratégies de l’année nouvelle.
La crise ou la nouvelle normalité
Première tendance, la crise. Il fut une époque heureuse où celle-ci était l’exception. Mais c’était avant. Avant les tensions de cette année finissante, avant les années 2010 et l’avènement des réseaux sociaux. Les marques évoluaient alors dans les eaux tranquilles du «business as usual» jusqu’à ce qu’un événement terrible - empoisonnement, accident mortel ou attaque en règle - ne vienne troubler cette trajectoire. Dans ces cas rares, la réaction se faisait alors doucement, après mûre réflexion, sous forme d’une conférence ou d’un communiqué de presse qui mettait un temps certain à produire ses fruits.
Désormais, les Français passent près de 1h40 chaque jour sur les réseaux sociaux et la crise est devenue sournoisement banale. Déclenchée par un tout petit rien, maladresse marketing ou lapsus d’un porte-parole, bug informatique, tweet d’un mécontent ou post d’un employé, elle n’est plus le fruit d’un accident industriel mais une cristallisation passagère de l’attention sur un faux pas de l’entreprise. Elle est cette nouvelle furtive qui fait soudain aspérité dans nos flux quotidiens, repérée puis dénoncée par l’armée de l’ombre des justiciers du clic.
Cette crise n’inflige pas toujours de dommages financiers immédiats, mais elle ternit la réputation de l’entreprise et elle sape la confiance en la marque, qui est le moteur de la résilience. Cette crise est tapie derrière chaque micro-événement capable de provoquer l’hyper-réaction du web et elle frappe avec une fréquence inédite. Selon Deloitte, 80% des entreprises ont connu une situation de crise sur les deux dernières années. Toute entreprise doit l’anticiper en l’intégrant dans l’ensemble de ses procédures. Bien en amont du lourd dispositif des cellules de crise, les communicants doivent se doter de stratégies de veille. Cartographie des risques et manuel de crise s’imposeront comme leurs lectures de chevet quand le calme des réseaux sociaux sera considéré comme une simple pause entre deux crises.
Mensonges, fake news et polémiques
Cette crise guette aujourd’hui sous de nouveaux visages. L’un des plus redoutables est celui de la fake news. Selon le dernier baromètre Edelman, 52% des Français estiment que les médias qu’ils utilisent «sont contaminés par des informations non fiables». Ce constat lié au brouillage s’opère sur la frontière entre médias et réseaux sociaux, qui sont devenus une source d’information pour deux Français sur trois.
Les fake news ne visent pas que la sphère politique et les entreprises seraient bien avisées de s’en méfier. Les fausses nouvelles frappent particulièrement l’innovation, sujet de préoccupation pour 56% des Français, qui se disent inquiets vis-à-vis des nouvelles technologies. Le plus bel exemple de l’année écoulée est celui de de la 5G, avec un Européen sur cinq qui pense que cette technologie est nuisible pour les abeilles. Et quand les fake news s’attaquent à l’innovation, elles impactent la capacité même de rebond des entreprises.
Aux côtés des fake news, on trouve aussi toutes ces polémiques dans lesquelles les entreprises peuvent être prises à partie. Sur les thèmes sensibles - emploi, environnement, fiscalité… -, les marques doivent s’attendre à être interpelées par l’opinion. Amazon est bien sûr l’archétype du bouc émissaire, visé par les griefs des syndicats, du fisc, des politiques et des médias. Mais au-delà de cet exemple de violence inédite, tous les communicants ont intérêt à préparer des argumentaires qui anticipent les démarches de leurs contradicteurs. Il leur sera indispensable de développer des plateformes corporate solides et de pouvoir s’appuyer sur des porte-parole convaincants pour délivrer leurs messages.
Dites-le en vidéo
Dernière tendance, le boom de la vidéo. Les confinements successifs ont provoqué la hausse spectaculaire du trafic internet, tiré par la consommation de vidéos en ligne. Les Français en consomment en moyenne 6,6 heures chaque semaine et le média se développe sous toutes ses formes pour capter l’internaute : SVOD, AVOD, réseaux sociaux, plateformes de streaming…
Pour la communication des entreprises, il est impossible de passer à côté du phénomène. L’exemple vient d’en haut, comme le montre l’interview du président de la République accordée à Brut pour s’exprimer sur les tourments de la société française. Au-delà des plaquettes et des communiqués, les entreprises aussi doivent s’emparer de la vidéo pour faire passer leurs messages. Elle leur permet d’enrichir le sens des mots par le travail sur l’image, mais aussi de s’adresser à une audience sursollicitée en lui donnant accès à l’information dans le flux de ses réseaux sociaux.
Il est temps pour l’entreprise d’apprendre à se servir de l’audiovisuel pour réinventer sa narration. Reportages sur ses sites de production, décryptage de l’innovation, interviews de décideurs, portraits de clients et salariés : les sujets ne manquent pas pour décliner une série de contenus qui créeront une nouvelle proximité. Les podcasts et les chaînes vidéo brandées devraient ainsi s’affirmer comme un nouveau standard de la communication d’entreprise.
Vigilance en ligne, stratégie anti-fake et production de nouveaux contenus : toutes ces tendances s’inscrivent dans la transformation digitale de la communication. Bien sûr, la communication en 2021 restera un art du discours et de la créativité, mais pour faire face aux exigences post-Covid, elle devra s’allier encore plus étroitement à la technologie.